Un mariage de raison et de déception avec Jospin
Les associations homosexuelles dénoncent les «insuffisances» du Pacs.

Par BLANDINE GROSJEAN
LIBERATION, le mardi 12 octobre 1999

L'Observatoire du Pacs se définit comme «un collectif d'associations de futurs usagers du Pacs qui entend dénoncer les insuffisances du texte et l'améliorer». Y compris après son adoption. Ces associations ont soutenu jusqu'au bout la proposition de loi parce qu'elle implique «la reconnaissance des couples homosexuels et un statut ouvrant de nouveaux droits pour tous les couples». C'est une des spécificités du mouvement associatif homosexuel français que de rejeter un statut spécifique pour les homosexuels, au nom d'une logique égalitariste, républicaine et universaliste. Mais une fois ce soutien de principe affirmé, tout ou presque, oppose le Pacs de Lionel Jospin et celui qu'attendaient ces associations. Leur rapport, publié en mars 1999, dresse la liste de leurs déceptions. Extraits.

Le Pacs est loin de consacrer l'égalité de tous les couples, puisque le mariage est interdit aux homosexuels. «Nous revendiquons le droit pour tous de choisir entre union libre, Pacs et mariage.»

La signature au tribunal d'instance «est une concession peu honorable aux lobbies intégristes et une mesure absurde». L'Observatoire demande que les Pacs soient signés en mairie, et qu'ils modifient l'état civil des partenaires. «Sinon, les pacsés resteront célibataires et ne pourront prétendre à aucune reconnaissance en dehors des frontières françaises.»

Le Pacs, contrairement au mariage n'ouvre pas immédiatement des droits (fiscaux notamment) : «Le délai de deux ou trois ans témoigne d'un soupçon inadmissible sur les relations des gens ne pouvant ou ne désirant se marier. Les couples qui se marient ne sont pas soupçonnés d'avoir agi par simple souci de rentabilité fiscale ou successorale : un jour suffit pour que ces droits soient ouverts. L'Observatoire demande donc la suppression totale des délais de carence ou, au pire, la rétroactivité des droits à toutes personnes prouvant deux ans de vie commune.»

La suppression de certains minimaux sociaux, conditionnés par la solitude, a été l'un des sujets occultés du débat sur le Pacs. «Il faudra choisir entre le maintien de nos allocations et la reconnaissance de nos couples. Ajoutons que l'amputation des minima sociaux sera effective dès la signature du contrat, alors que les droits nouveaux (imposition, succession) seront soumis à un délai de deux ans. S'agit-il d'un Pacs interdit aux pauvres?»

Le droit au séjour et à la nationalité était un des points forts des projets antérieurs au Pacs (CUS). Il n'en reste pas grand-chose, la signature d'un Pacs devenant «un élément d'appréciation» laissé à l'arbitraire des préfectures. «Ce pas en arrière aura des conséquences dramatiques sur le quotidien des couples de même sexe, menacés en permanence d'être séparés par une reconduite à la frontière. Cette lâcheté est d'autant plus inacceptable que, contrairement aux hétérosexuels, les homosexuels ne peuvent pas recourir au mariage.» L'Observatoire demande à ce que la signature d'un Pacs donne droit à un titre de séjour de dix ans et que les compagnons-compagnes d'étrangers en situation régulière y aient droit.

«Le Pacs n'est pas la famille», a répété la garde des Sceaux. L'Observatoire réclame l'accès à l'adoption pour les couples homosexuels, aux PMA (procréations médicalement assistées), la création d'un statut de beau-parent (de même sexe ou sexe différent) ou de «coparent» pour les projets parentaux mis en place par un gay et une lesbienne.